Yves Michaud
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L’éphémère est à la modernité ce que l’éternel est à l’art !
- Le 17/12/2011
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Nous n’attendons plus de l’art le salut ni la transfiguration de la vie : il ne les donna jamais, sinon quand il servait fidèlement la religion. Nous en attendons cependant autre chose que du divertissement et de la décoration. Nous n’attendons plus de l’art le rêve d’une communauté qui surmonterait les divisions de la société : il ne les procura jamais, sinon quand il servait fidèlement la domination. Mais nous en attendons quand même autre chose qu’un instrument de différenciation sociale pour la classe de loisir. Nous n’attendons plus de l’art la relation avec le génie mais nous aimerions y faire l’expérience d’autre chose que des dernières subtilités à la mode. Nous avons envers l’art des attentes complexes, mêlées et mélangées : elles recouvrent en partie nos attentes envers la religion et la magie, en partie les valeurs d’utopie, mais elles reprennent aussi la charge du jeu et du divertissement. À travers le concept flou de l’art, nous formulons en fait des attentes contradictoires… qui ne trouvent pas à se formuler autrement que dans cette confusion. Nous voudrions y trouver ce domaine impossible où coexistent la critique, le divertissement, l’élévation, la grandeur, le génie, le plaisir, et même le drame de notre condition — avec pour couronner le tout un sentiment finalement aigu du caractère dérisoire de toutes ses attentes et de leur impossible coexistence.
Yves Michaud