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François Billetdoux

François Billetdoux

A quel age avez-vous décidé de devenir écrivain ?

Je n’ai pas décidé. J’avais quatorze ans. Mon professeur de Français m’a montré du doigt, devant toute la classe, en m’ordonnant d’explorer le cœur féminin. C’était pour se moquer de moi.

Comment se nommait ce professeur ?

M. Grosgurin.

A quel métier songiez-vous auparavant ?

Celui d’officier.

Trouvez-vous une différence ?

On met également en prison les écrivains et les officiers.

Quelle est votre province ?

La Bretagne, qui enfonce un coin puissant au travers de la France, domine à Montfort-l’Amaury, tient Montparnasse et vient expirer au pied du Franc-Tireur des Ternes.

Quels sont les peuples que vous préférez ?

Avec l’Angleterre, I’Irlande, l’Ecosse, le Pays de Galles, la France, l’Espagne et le Portugal, nous ne manquons de rien.

Quels sont les peuples que vous aimez le moins ?

Je me serais passé des Allemands.

Avez-vous des opinions politiques ?

J’étais monarchiste.

Et maintenant ?

Mgr le Comte de Paris l’interdit.

Pourquoi n’avez-vous rien publié depuis près de dix ans?

A la suite d’un vœu.

Un vœu d’ordre littéraire ?

Absolument pas.

Pourquoi semblez-vous malheureux ?

Jacques Chardonne répond à cette question, en la prenant à l’envers. Il dit : "Je n’ai jamais été malheureux." Il ajoute "Tous mes amis sont vivants."

Il faut boire pour oublier.

J’y ai songé.

Que pouvez-vous boire

Le Romanee-Conti, le Mouton. Rothschild, le Château Cheval Blanc, le Château d’Yquem, le Chateau d’Harlay, le vin de Champigny, le vin de l’Aubance, les champagnes fougueux, le Tavel nuiteux, le cidre et l’eau, si difficile à rencontrer. Je possède également la connaissance des bières.

Etes-vous bien doué pour les sens ?

Je les connais.

En faites-vous grand usage ?

Non.

Et la vie de l’esprit ?

Non.

Pourtant, vous étiez un prodige en philosophie, jadis ?

Un athlète en philosophie. Pas un prodige.

Et du côté catholique ?

Je suis catholique romain.

Rien d’autre ?

Je suis aussi catholique breton.

Quels sont les thèmes principaux de votre œuvre ?. Mais faites vite.

Je n’ai rien fait de mal.

Pourquoi achetez-vous des voitures si rapides ?

Ce sont elles qui m’achètent, quand je les vois.

Combien de livres avez-vous lus ?

Douze mille peut-être mais depuis longtemps.

Quel âge avez-vous ?

Bientôt trente-six ans.

Vous êtes-vous fait à cette situation ?

Elle me paraît mince.

Est-ce que c’est le débit de votre parole qui a pu vous faire traiter d’insolent ?

Personne ne comprend ce que je dis. Il faudra que je fasse poser des freins.

Avez-vous des manies intéressantes du point de vue littéraire?

Le goût des corrections répétées avec des encres de couleurs. C’est le seul moyen de rapprocher la littérature de la peinture, si amusante.

Etes-vous- historien par nécessité ou par conjoncture ?

C’est rassurant. C’est passé. C’est vrai. Il n’y a rien de mieux à demander.

Que faites-vous en général ou qu’aimeriez-vous faire vers 17 heures 45 ? (heure plutôt crépusculaire en moyenne).

Je signe mon courrier tapé par ma secrétaire, Mlle de Mab. C’est le crépuscule de la pensée.

Votre style de vie vous pousse-t-il vers le château ou la chaumière ?

Le château de Vaux n’est pas mal.

Vous qui êtes cycliquement, maladivement riche, très riche ou très pauvre, quel vous semble le meilleur point de vue moderne sur le plan économique ?

Le Communisme breton me plairait. Il existe par de petits côtés : la pomme de terre, qui vaut bien la truffe, est très répandue. La mer, qui console si bien de la terre, est vaste.

Parmi les très rares études sérieuses traitant du "marché" cinématographique, il semble que le goût du spectateur moyen pour les salles obscures doive être en principe attribué au fait qu’on peut y embrasser sa voisine, plus facilement que dans un passage clouté. Est-ce qu’à votre avis l’évolution actuelle du cinéma français dépend de cette nuance statistiquement importante ?

C’est probable. Dans cette perspective les productions à grand spectacle sont des distractions néfastes.

Préférez-vous considérer les actrices comme des femmes ou comme des monstres ?

Des observations minutieuses m’ont conduit à penser qu’il s’agissait de femmes.

Eprouvez-vous de l’attirance pour certaines matières non assimilables par l’organisme humain, comme la fourrure, le bois des îles, le diamant brut, et le linoléum ?

Pour bien d’autres encore, par exemple les couteaux, qui ne s’absorbent pas sans danger.

Y a-t-il une idée ou un slogan qui vous vienne à l’esprit au moins une fois par jour ?

Oui. J’aurais dû faire du journalisme.

Dans une maison, quelle est la pièce que vous préférez ?

La cuisine pour y lire la nuit.

Dans une maison, quel est le meuble que vous préférez ?

Le lit ou le frigidaire.

Sous quelle forme Dieu vous tracasse-t-il ?

Angoisses et remords à cinq heures du matin. Interrogations métaphysiques à onze heures. Contemplation des gouffres à seize heures trente. Approches théologiques vers minuit.

Est-ce une impression ou bien vous retenez-vous d’établir enfin un vade mecum de l’honnête homme, que vous êtes en principe un des rares aujourd’hui à pouvoir composer ?

Je n’ai jamais pensé à me composer. Encore moins les autres. Mais pourquoi me posez-vous ces questions ?

Parce que j’en ai assez de m’interroger moi-même toute la journée.

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