Qu'est-ce qui est noble ?

Qu'est-ce qui est noble ?

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– Le soin du détail extérieur, dans la mesure où ce soin nous distingue, nous isole, nous empêche d'être confondus avec d'autres.

– Dans le langage, le vêtement, la tenue, cette apparence de frivolité dont la dureté stoïque et la parfaite maîtrise de soi se servent pour se défendre de toute curiosité indiscrète.

– La lenteur du geste et du regard. Il n'y a pas trop de choses précieuses; elles viennent et tendent naturellement vers l'homme de haute valeur. Nous admirerons difficilement.

– Supporter la pauvreté et la gêne – et la maladie. Abandonner le bonheur au grand nombre, ce bonheur qui est paix de l’âme, vertu, confort, mercantilisme anglo-angélique à la Spencer.

– Se soustraire aux honneurs médiocres, se méfier de quiconque est prompt à nous louer; car celui qui loue croit comprendre ce qu'il loue.

– Douter profondément que les cœurs puissent communiquer; notre solitude ne résulte pas d'un choix, elle est un fait.

– La conviction de n'avoir de devoirs qu'envers ses égaux; savoir qu'envers les autres on peut se conduire à son gré; que de ses pairs seulement on peut espérer la justice, bien loin d'ailleurs d'y pouvoir compter.

– L'aptitude au loisir, la conviction profonde que tout métier, sans nous déshonorer positivement, nous fait déchoir. Pas d'assiduité, au sens bourgeois du mot, bien que nous sachions honorer et faire valoir cette assiduité; ne pas ressembler à ces artistes qui ne cessent de glousser comme les poules gloussent, pondent des œufs, puis gloussent de nouveau.

– Nous protégerons les artistes et les poètes parce qu'ils sont des êtres plus nobles que ceux qui se contentent de quelques capacités pratiques, que les hommes simplement "productifs"; ne nous laissons pas confondre avec ceux-ci.

– Le goût des formes; la protection accordée à tout ce qui est formel, la conviction que la politesse est l'une des grandes vertus; la méfiance à l'endroit de toutes les formes du laisser-aller, y compris la liberté de la presse et de la pensée, qui permettent à l'esprit de prendre ses aises, de se conduire en rustre et de s'étirer.

– Le goût des femmes, considérées comme une variété d'êtres peut-être plus petits, mais plus raffinés et plus légers. Quel bonheur que de rencontrer des créatures qui n'ont jamais que la danse et la folie et la parure en tête ! Elles ont toujours fait les délices de toutes les âmes tendues, viriles et profondes qui portent le poids de lourdes responsabilités.

– La prédilection pour les princes et les prêtres, parce qu'ils maintiennent la croyance à une diversité des valeurs humaines.

– Savoir se taire; mais pas un mot là-dessus si l'on nous écoute.

– Supporter de longues inimitiés; manque total d'humeur conciliante. Les races vigoureuses, tant qu’elles sont encore riches et débordantes de force, ont le courage de voir les choses comme elles sont : tragiques.

– Le dégoût de la démagogie, des "lumières", de la "bonhomie", de la familiarité triviale. Contredire constamment la majorité, non en paroles, mais en actes.

– Nous estimerons peu les hommes bons, qui nous semblent des bêtes de troupeau; nous savons que chez les hommes les plus mauvais, les plus méchants, les plus durs, se cache une pépite d'or inestimable, une essence de bonté qui l'emporte sur toute la bonasserie des âmes de lait.

– Se sentir toujours "en représentation". Nous ne pensons pas qu'un homme de notre espèce soit jugé par ses vices ni par ses folies. Nous savons que nous sommes difficiles à connaître et que nous avons toutes les raisons possibles de nous dissimuler sous des apparences. »

Friedrich Wilhelm Nietzsche

2012 jpb nietzsche

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